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“Krav Maga et Mythomanes”

Krav Maga et Mythomanes

Publié par kmrennes le 02/09/2012

 

Depuis quelques années, lorsque quelqu’un parle de Krav Maga, son auditoire commence à percevoir de quoi il s’agit…

Même si la discipline se répand largement en Europe et dans le monde, elle reste toutefois encore relativement inconnue du grand public. Le Krav Maga (combat rapproché en hébreu) est un système complet de self défense, de sport de combat, ou d’art martial, selon des objectifs personnels déterminés par le pratiquant. Créé en Israël par Imi Lichtenfled dans la première moitié du 20è siècle, au départ réservé à l’usage exclusif de l’armée israélienne, le Krav Maga a été démocratisé et enseigné aux civils depuis les années 60 par Imi Lichtenfeld, dont les premiers élèves directs ont repris le flambeau (Richard Douieb, Haim Gidon, Darren Levine, Kobi Lichtenstein, Eyal Yalinov et Uri Rafaeli pour ne citer que les principaux). Assis sur des bases strictes, le Krav Maga est d’un premier abord visuel assez inesthétique, rendu indispensable par la volonté d’aller à l’essentiel. L’ensemble de ses techniques (dont certaines trouvent leurs racines dans d’autres arts martiaux plus anciens ou dans des sports de combats plus récents) constitue une boite à outils efficaces permettant de s’adapter et de se défendre dans la plupart des situations, et donne au pratiquant une rapide impression de progrès…

Kmc RennesCe n’est qu’une impression, ne nous leurrons pas… J’aime assez l’idée distillée tant par Richard Douieb (Krav Maga), que par Franck Ropers (Penchak) selon laquelle lors d’une agression, la meilleure des techniques reste la fuite. Mais, face aux arts martiaux asiatiques traditionnels, qui peuvent s’avérer ingrats avant que l’on ait le sentiment d’un début de maîtrise, la simplicité de façade du Krav Maga séduit un public de plus en plus large. En outre, le recours aux coups (généralement interdits dans les autres sports) sur les points vitaux, permet de niveler les contraintes physiques nécessaires à la pratique de certains sports de combat. Ainsi, aussi bien une femme, qu’un homme, fluet, en surpoids ou plus âgé, pourront s’avérer être de très bons pratiquants et pourront trouver un sport dans lequel ils se sentent bien. En Krav Maga, la réponse à une agression va durer entre 2 et vingt secondes, grand maximum. Passé ce temps, cela signifierait que les techniques ont été ratées et que l’on peut entrer dans une nouvelle phase qui va être celle du combat. L’aspect physique et cardio des entraînements ne sont donc pas indispensables, mais font partie des cours pour d’abord être en mesure de tenir un combat et permettent ensuite d’affiner sa silhouette lorsque la présence est assidue.

C’est donc un sport très complet, où le combat permet d’appréhender l’aspect tactique et la gestion du stress et des émotions.

KMC Rennes 2.jpgMalheureusement, victime de son succès (et, paradoxalement, d’une relative méconnaissance), le Krav Maga (de même que le Free Fight, le Penchak Silat ou le Systema) a vu ces dernières années se multiplier les pseudo-instructeurs n’ayant jamais pratiqué pour la plupart en dehors de quelques heures de stage avec des diplômes sur lesquels la seule assurance que l’on puisse avoir est le prix qu’ils coûtent. Généralement, ils accolent à leur club le terme « Krav Maga » de façon à bénéficier d’un marketing vendeur.

 

 

Les mythomanes ou professeurs de sports sans avenir, s’affublant souvent de treillis, parlant de la guerre qu’ils n’ont pas faite et voulant se préparer à celle qu’ils ne feront jamais, s’auto-proclament instructeurs et enseignent tout et n’importe quoi par mauvais mimétisme (techniques trouvées sur Youtube ou par DVD), sous couvert de discours paramilitaires (bien que dans la plupart des cas ils n’aient jamais été ni militaires ni policiers) et donnent, en s’appuyant sur un discours réducteur, une image désastreuse de la discipline…

Naissent alors des concepts grâce à des des noms associés au Krav Maga : commando, impact, ultimate, réaliste, militaire, total… L’objectif est pour eux de partir d’un principe de création de stress permanent pendant les cours (dans lequel il est plus difficile d’apprendre et de retenir). On retrouve alors des cours non plus axés sur les techniques, mais sur des séances de paos et de combat. Certains font, par exemple du combat au couteau ou du tir tactique (Sommes-nous en guerre ?!), ajoutent Krav Maga à l’ensemble, et enseignent des techniques qui présupposent finalement que la personne porte une arme (ce qui a priori est interdit et qui suspend, de toute façon, le cadre de légitime défense).

Si en effet, le GIGN, le Swat, le FBI ou d’autres services de sécurité apprennent le Krav Maga, c’est avec d’autres desseins et dans un but professionnel qui de toute façon ne s’applique pas aux civils… Faire 10 pompes dans la boue en treillis avec quelqu’un qui vous crie dessus ne fera jamais de vous un commando de marine… Il faut bien plus qu’un stage de 3h pour atteindre ce niveau, physiquement. De plus, il est fort à parier que ces  »instructeurs » échoueraient aux tests psychologiques requis lors de l’entrée dans les forces d’élite…

D’autres proposent des cours de préparation au combat, alors qu’ils n’ont aucune idée de ce qu’est un combat.

Mieux vaut dans ce cas suivre un cours de full contact, de boxe thai, de savate ou de boxe anglaise, qui vont vraiment préparer au combat que de suivre un professeur de fitness-krav maga pensant qu’il est le monsieur Jourdain du combat.

Généralement l’incompétence technique est compensée par de longs exercices physiques (frappes de paos, de sacs, bagarres de chiens, qui font beaucoup de bruit et qui donnent une impression de puissance!). On gagne alors indéniablement en condition physique, et absolument pas en Krav Maga… Car un adversaire ou un agresseur, ne sont pas des sacs de frappe ou des paos et vous n’avez (lui non plus d’ailleurs) aucune protection : ils risquent de répondre. En outre, il est surprenant de la part de professeurs d’arts martiaux asiatiques nobles, tels que le ju jitsu ou le karate, de s’auto-proclamer, sur la foi de leur passé dans leur discipline, professeur de Krav Maga.

Les disciplines asiatiques prônent généralement le respect. Et ils n’en montrent pas vis à vis des autres arts martiaux. Tout simplement en raison du nombre plus limité de techniques au Krav Maga (qui peut parfois désarçonner les élèves). Un stage de 4h et hop ! On est devenu professeur de Krav Maga ! Par analogie, posez vous la question de savoir si vous monteriez dans un avion de chasse piloté par un pilote de formule 1 qui aurait suivi un stage de pilotage aérien de 4h…

Avant donc de rejoindre un club, ce qui est toujours intéressant est de regarder le CV des moniteurs et son expérience de la discipline… Encore une fois, instructeur après deux ans de pratique, ce n’est pas sérieux si cela n’a pas été précédé de plusieurs années de pratique régulière… De même, la pratique d’un autre sport ne vous donne pas un brevet pour le Krav Maga car il faut alors souvent désapprendre plus qu’apprendre… Enfin quid de ceux qui ont des CV longs comme le bras se vantant d’être experts dans des dizaines de techniques différentes ?

Attention donc à ne pas se faire flouer… Payer, même peu cher, pour quelque chose qui ne marchera pas et peut même s’avérer dangereux à utiliser, ne pourrait que dégoûter les futurs pratiquants d’une discipline qui véhicule de vraies valeurs sportives et citoyennes, avec un véritable bien être pour l’individu.

Car, finalement, le véritable danger des mythomanes, c’est qu’ils ne procurent qu’une illusion d’assurance. Par exemple, les techniques de désarmement de pistolet enseignées n’importe comment sont très dangereuses. Outre des exercices qu’un préparateur physique jugerait inadaptés voire dangereux, ils justifient la « casse » de leurs élèves en prônant le pseudo réalisme du « nous on n’est pas de mauviettes, on se tape dessus vraiment ! ». Assurément, sortir blessé d’un entrainement pour se faire attaquer ce jour là précisément, c’est pétri d’intelligence. Mais rassurons-nous, ces professeurs permettent d’absorber les élèves dont nous ne voulons pas : ceux qui soufflent lorsque l’on travaille les chutes ou les roulades ou qui considèrent qu’ils ont un niveau tellement élevé que ces bases ne sont pas utiles. Essayez donc de faire une roulade sur du ciment et vous saurez pourquoi nos roulades sont plus spécifiques. Un de mes amis, professeur de Krav Maga répète souvent : « dans votre vie, vous aurez plus souvent à effectuer une roulade qu’à désarmer une personne armée d’un pistolet ». Je crois que cela résume assez bien.

A un certain niveau, tout simplement car nous avons été nous-mêmes corrigés sur ces points ces points lorsque nous étions élèves, nous identifions immédiatement si quelqu’un a compris ce qu’est le Krav Maga. Mais le novice ignorant tout des arts martiaux ne sait pas forcément faire la différence et ne pourra pas déceler les erreurs que les mauvais pratiquants masquent en étant rapides. Il faudra donc bien se renseigner avant de s’engager pour un an dans un club, et bien réfléchir à ses objectifs : savoir se défendre ? faire du fitness ? « cogner » ? Il y a autant de profils que de clubs : certains trouveront leur bonheur avec les mythomanes, d’autres non. Il y a de la place pour tout le monde… En tout état de cause, le choix vous appartient…

Jérôme

Directeur Technique KMCR